NANA de Valérie Massadian
LA PETITE FILLE EN FLEUR
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Nana est une petite fille de quatre ans, elle vit dans une maison de pierres, à la campagne. Un jour, de retour de l’école, elle ne trouve plus dans la maison que le silence… « Ce film est mon premier long métrage, explique la cinéaste, et pourtant, je n’ai pas le souvenir d’avoir voulu faire autre chose. Tout n’a été qu’une série de détours pour y arriver, pour le cerner. On apprend en faisant, mais aussi à travers une série de biais, des métiers satellites, en regardant, en expérimentant ».
Le film s’est construit à partir d’une envie de départ et surtout d’une volonté de laisser l’improvisation guidée les comportements et les mots (ou silence) de l’enfant : « A aucun moment, je n’ai donné d’ordre à Kelyna, lui ai demandé de dire une phrase ou imposé un geste. Il était impératif que le film naisse chaque jour, à chaque moment, de notre dialogue. Après, bien sûr, il y a des instants qui lui échappent, des propos où elle part dans ses propres jeux et rêveries, ou des colères, même, qu’elle m’adresse. Elle peut faire mine d’oublier un temps le film, pour ensuite revenir à la situation ou au personnage ». Le film est le résultat de soixante heures de rushes que la réalisatrice a transformé en un film d’un peu plus d’une heure.
En quelques images, le décor est planté : La vie à la ferme, avec ses animaux, ses occupations quotidiennes. La première scène montre la mort d’un cochon, abattu d’une balle dans la tête puis que l’on vide de son sang. Le choix du point de vue visuel donne l’impression de tenir par moment davantage du documentaire que de la fiction. La réalisation s’offre une majorité de plans fixes, relatant des situations décrivant une normalité qui prend son temps. Les comédiens improvisant leurs propos, leurs agissements apparaissent tels des témoins de ce monde aux règles si ritualisées.
La petite fille est présente, même quand on ne la voit pas au premier plan. Elle vit ici, en ce lieu, parmi ces adultes, indépendants et parfois même distants. Nana, parle seule, comme le font tous les enfants, elle est dans son monde, celui de l’imaginaire de son âge, mais aussi bien obligée d’accepter celui des "grands" qui vivent à ses côtés.
Le film se révèle énigmatique, volontairement elliptique. Totalement étrange, perturbant parfois, une tension inquiétante s’infiltre peu à peu. On pense à Depardon, à Sandrine Veysset aussi (« Y-aura-t-il de la neige à noël ? »). « Nana » est un ovni à réserver aux amateurs de films différents, qui n’ont pas peur d’aller dans des contrées cinématographiques peu explorées… Hostiles à la lenteur ou à l’expérimentation, passez votre chemin, pour les autres empruntez-le avec curiosité et patience, vous ne serez pas près de l’oublier.
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