LE BLOG DES FILMS D'AUTEUR

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MÈRE ET FILS de Calin Peter Netzer

 

 

 

 

VUE SUR MÈRE

 

par Bertrand Bichaud

 

4/5 ON ADORE

 

Cornelia à 60 ans, elle mène une vie privilégiée à Bucarest, entourée par ses amis riches et influents. Pourtant, les relations tendues qu’elle entretient avec son fils (et accessoirement sa belle-fille) la tourmentent. Lorsqu’elle apprend qu’il est impliqué dans un accident de voiture qui a coûté la vie à un enfant, elle va tout faire pour le sortir de cette situation de peur que sa vie en soit bouleversée. Il risque en effet une condamnation à une lourde peine de prison.

 

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Décidément, le cinéma actuel Roumain se porte bien, pouvant désormais se permettre de ne pas compter exclusivement sur Cristian Mungiu (« 4 mois, 3 semaines, 2 jours », « Au-delà des collines »…). Ce film au budget modeste, minimaliste de par sa production, parvient à atteindre sans mal des dimensions universelles par la portée de son discours et des sujets qu’il soulève. Le scénario est signé Tazvan Radulescu, déjà positivement remarqué pour sa participation à l’écriture du très beau « Mardi après noël » de Radu Muntean. « Mère et fils » peut de targuer d’avoir, avec mérite, remporté l’Ours d’Or à Berlin en 2013 (Le président du Jury était Wong Kar-Wai).

 

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Dès les premières images, on note spontanément la remarquable performance de Luminita Gheorghiu, dans le rôle de la mère « agitée », présente (presque) dans tous les plans. L’une des grandes et meilleures idées du film intervient peu à peu, alors que l'histoire se déploie, le personnage de la mère en arrive à s’oublier et à se perdre, prenant involontairement de la distance face à sa volonté viscérale de tout gérer, à son instinct de manipulation que l’on devine ancré en elle depuis toujours. C’est lorsqu’elle ne sait plus si ce sont ses émotions ou sa raison qui la guide que le film, gagnant en trouble et en complexité, devient passionnant.

 

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« Mère et fils » est le récit d’une subtile et frontale opposition entre une mère et son fils, mais aussi plus globalement avec le reste du monde. D’une pathologique possessivité, à vouloir contrôler tout ce qui l’entoure, elle en arrive à se détacher de tous, au risque d’un isolement définitif. Le film prend alors la forme d'une sorte d’effrayante chronique sociale contemporaine. L’histoire d’un conflit familial (mais pas que), une dramatique histoire, une démonstration implacable du poids de l’argent, et de la place de la corruption, qui continue à gangrener l’appareil judiciaire Roumain.

 

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Filmé au plus près des visages, le choix de réalisation fait s’engouffrer le spectateur dans la souffrance des personnages, en les immisçant dans leur intériorité la plus intime. La psychologie de la mère se dévoile en une terrible phrase qu’elle prononce au milieu du film : « Je vis à travers mon fils, je veux qu’il réussisse ce que je n’ai pas réussi moi-même ».

 

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Trois grandes scènes mémorables ponctuent l’histoire, trois face à face. 1 : La mère et son fils lui imposant une séparation, le temps d’un manque nécessaire afin d’espérer (peut-être) un jour l’arrivée du temps de l’amour. 2 : La mère et sa belle fille dans un dialogue d’une franchise malsaine, d’une cruauté désinhibée d’un rare réalisme. 3 : La confrontation de la mère et de celle de la victime de l’accident de voiture, ici n’écoutant que sa souffrance, l’exposant de force à l’autre, elle avoue malgré toute sa volonté son incapacité à la compassion et son cloisonnement à l’intérieur de la seule souffrance qui compte à ses yeux, la sienne.

 

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Le film pointe aussi les fossés gigantesques qui séparent les différentes classes sociales qui composent la société Roumaine. Le scénario se révèle inattendu, beaucoup plus riche et sophistiqué que son sujet de départ ne le sous-entend. Voilà bien une histoire dont on ne ressort pas indemne, n’est-ce pas là ce qui caractérise un grand film ? 

 

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Sobrement intense, « Mère et fils » est un film sur des liens d’amour et amoureux qui n’en sont pas, sur des personnes se débrouillant, de manières bancales, avec leurs névroses, dans un déni total de leur existence.

Ou quand un drame impromptu provoque la fin d’un bien fragile équilibre qui ne demandait qu’à projeter tous ses protagonistes dans une chute ne pouvant être que fatale. 

 

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20/01/2014
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