MOI ET TOI de Bernardo Bertolucci
LES ÉCORCHÉS TRISTES
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Lorenzo a 14 ans, c’est un jeune homme excentrique et introverti. Un ado à problèmes (acné et duvet de moustache inclus…). Un matin, il décide de sécher un voyage scolaire d’une semaine à la montagne. À la place des hauts sommets enneigés, il va passer ses jours et ses nuits sous terre, dans la cave de son immeuble. Sa motivation ? Être seul, n’avoir de comptes à rendre à personne. Pouvoir manger, lire, écouter de la musique, comme bon lui semble.
Bertolucci a passé sa filmographie à alterner films grandioses et spectaculaires, « 1900 », « Le dernier empereur », « Little Buddha » … et des réalisations plus intimistes, tel le magnifique « Beauté volée ». C’est avec cette catégorie qu’il renoue aujourd’hui grâce à « Moi et toi ». Le fait que ce film signe son retour en Italie n'est forcément pas un hasard. Voilà dix ans que le cinéaste n’avait pas tourné, une longue période durant laquelle des problèmes de santé l’ont contraint à diriger « Moi et toi » en chaise roulante. À l’image du psy qui ouvre le film. Un homme souriant et bienveillant qui tente de communiquer avec Lorenzo cloîtré dans son refus de s’ouvrir aux autres autant qu’à lui-même.
Le choix du (presque) huis clos souterrain s’impose comme une pertinente métaphore de l’introversion du personnage. Quelle meilleure solution existe-t-il pour s’enfermer, se cacher à l’intérieur de soi, tout en laissant les autres, au loin, dans ce monde de surface et de normalité ? Cet isolement constitue pour Lorenzo une plongée, une mise en contact avec son subconscient (sous la conscience générale…). La cave, sombre lieu privilégié des tréfonds de l’âme, mettra pourtant à jour les secrets d’une famille aux destins ponctués de blessures.
À noter une BO exemplaire: Bowie, The Cure, les Red Hot, Muse, Arcade Fire… Bertolucci est définitivement un habitué de la chose. Sa play list de « Beauté volée » reste l’une des plus pertinentes du genre ( Portishead, Stevie Wonder, Nina Simone, Billy Holiday, Hooverphonic, Mazzy Star, Aretha Franklin…).
« Moi et toi » raconte l’errance existentielle immobile de deux écorchés tristes. Deux âmes en perdition qui métamorphosent leur rejet de tous les autres par l’acceptation d'un autre. Car à deux, on est plus fort pour être contre tous. Mais une fois l’union acceptée, l'addiction à la solitude se fissure et invite à de nouvelles perceptives de vie. Bertolucci signe un magnifique film envoûtant et délicat. Une histoire minimaliste et universelle, d’une vitalité symptomatique d’une jeunesse que le temps ne fait qu’accroître.
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