MIELE de Valeria Golino
HOMICIDES SUICIDAIRES
par Bertrand Bichaud
4/5 ON ADORE
Irène vit seule dans une maison au bord de la mer non loin de Rome. Son père (veuf) et son amant (marié) la croient étudiante. En réalité, sous le pseudo de Miele, elle aide clandestinement des personnes en phase terminale à mourir. Mais un jour, son étrange routine s’enraille, elle se retrouve confrontée à une situation aussi nouvelle qu'inattendue…
Le sujet, épineux s'il en est, des plus difficile - de par sa dureté et sa complexité - est traité ici avec l'ingéniosité et la sensibilité nécessaire pour réussir l’exercice (bien dangereux…), et de plus, non sans style.
"L’euthanasie est un sujet tabou en Italie, explique la cinéaste, bien plus que dans n’importe quel autre pays européen. C’est en grande partie dû à l’influence du Vatican et à notre héritage catholique. Mais j’ai le sentiment que même si le peuple italien est prêt à faire face à ce sujet et à d’autres problèmes éthiques, les hommes politiques eux ne le sont pas."
« Miele » raconte l'histoire d'une solitaire, blessée par la vie, dont la cicatrice d'un traumatisme passé (qui a l'élégance de ne pas être grossièrement asséné au spectateur) est à l’origine de son « sacerdoce ». Miele ne veut qu'aider son prochain. L'aider à mourir lorsque aucun n'autre choix ne peut lui offrir de délivrance à sa souffrance. Pourtant, elle le sait (et l’exprime), en réalité, la volonté de tous est de continuer à vivre, c’est l'existence telle qu'elle leur est imposée qui rend impossible ce souhait.
Miele pratique des "homicides suicidaires", car elle tue (en suicide assisté) ses patients, mais c'est aussi elle, parallèlement, qu'elle empêche de vivre, cloisonnée dans cette activité illicite. Il faut parfois du temps pour accepter qu’aucun passé ne peut être re-vécu... Seule, ne voulant s'engager (de peur du risque de la perte?), elle sacrifie son présent pour aider à mourir son prochain pour qui l'existence n'est plus une vie.
La réalisation est inspirée et sobre, une caméra au plus près des personnages, ne quittant jamais Miele (présente à chaque plan), insinue dans le récit une tension incessante, résultat cumulé des drames vécus et de la peur des conséquences possibles liées à cette "criminelle" profession.
« Miele » n’est pas un film de plus sur le sujet de l'euthanasie. Il diffère de ses récents prédécesseurs « La belle endormie », « Quelques heures de printemps »... en abordant ce thème à l’aide d’un astucieux scénario (revendiquant son aspect fictif), pointant les limites du "service" tel que la protagoniste le pratique. Sans aucun manichéisme ni prosélytisme, le film reste avant tout humain et honnête, intime mais respectueux.
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