ELEFANTE BLANCO de Pablo Trapero
SANS TOIT NI LOI
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Julian et Nicolas sont deux prêtres qui quotidiennement tentent d’apporter du soutien et de l’aide aux habitants d’un immense bidon ville dans la périphérie de Buenos Aires. À leur côté, Luciana une assistante sociale les accompagne, faisant elle aussi de son mieux pour secourir la population locale.
Pablo Trapero, réalisateur argentin avait signé en 2010 un très réussi et impressionnant polar urbain « Carancho » dans lequel jouaient déjà Ricardo Darin et Martina Gusman. Pour Jérémie Renier, c’est en revanche une première collaboration avec le cinéaste : « Une semaine après qu'il m'ait donné le script, nous nous sommes appelés et je suis parti en Argentine. Dès le premier jour à Buenos Aires, j'ai dit à Pablo que je voulais le suivre pendant ses visites des quartiers. L'énergie là-bas était incroyable! Les gens sont très généreux et étaient heureux que l'équipe s'installe chez eux pour tourner. Pour eux c'était une bouffée d'air frais, l'ambiance était donc très bonne (…) Ce film fait partie d'un genre qui revoit les codes, qui a la capacité d'influer sur la réalité sociale et politique d'un pays, qui dénonce, qui raconte ce qui se passe réellement. Je pense qu'il est important de continuer à défendre ce genre de cinéma, plutôt que de simples divertissements ».
Tout comme « Carancho », « Elefante blanco » est un film dur, violent, nous confrontant graduellement à des situations difficiles et à des comportement de moins en moins humains. L’immoralité et ses « défenseurs » sont à nouveau aux rendez-vous de cette sombre histoire. Mais alors que « Carancho » adoptait un rythme haletant, un montage nerveux et une suite de scènes d’une extrême cruauté et d’une insupportable violence, « Elefante blanco » se différencie par son traitement. Ici, c’est l’atmosphère qui devient de plus en plus anxiogène. Le récit prend son temps, nous immergeant dans le quotidien d’un bidon ville où ses propres règles de vie s'imposent aux « résidants ». Le déploiement de l’histoire se fait pas à pas. Ruelles après ruelles, le spectateur découvre la réalité des rapports (de force) entre les individus. La main mise des gangs, la présence constante des trafics en tout genre.
Au coeur de ce monde de pauvreté et de corruption, la présence et l’action des deux prêtres laissent à penser que ces hommes, ces femmes et ces enfants ne sont pas totalement laissés à l’abandon de la société. Mais ces représentants de l’église sont avant tout des hommes. Eux aussi ont leur douleur, leur peur et leur vulnérabilité qui peut les amener à tomber parfois du côté sombre de l’âme humaine.
À noter une fulgurante scène magnifiquement réalisée où Jérémie Renier, pour remettre le corps mort d’un membre d’un des gangs à sa famille, doit se laisser guider, les yeux bandés, dans un terrifiant labyrinthe de ruelles terreuses, de portes en tôle, une plongée abyssale et semblant sans fin vers l’enfer, sur terre.
« Elefante blanco » réussi la pourtant difficile combinaison d’être à la fois un film d’atmosphère, avec les spécificités que cela implique en terme de réalisation, et une histoire aux ressorts scénaristiques d'une efficacité à couper le souffle. Pablo Trapero est décidément un réalisateur aussi inspiré que talentueux.
La bande annonce:
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