LA CINQUIEME SAISON de Peter Brosens et Jessica Hope Woodworth
PARADOXE ET PRÉJUGÉS
par Bertrand Bichaud
5/5 CHEF D'OEUVRE
De nos jours, un village Belge dans les Ardennes. Avec ses habitants, ses habitudes, son rythme et ses coutumes. Jusqu’au moment où tout va changer, d’abord peu à peu, puis plus nettement. Mystérieusement, le cycle des saisons se perd, s'abandonne, s'égare.
Bien qu’un parfum de contes et de légendes s’immisce dans le récit, il est avant tout ancré dans le monde actuel, enchaîné à ses réalités. « La cinquième saison » raconte une histoire surnaturelle, inhabituelle et mortifère. La genèse d’une apocalypse qui prend son temps, et cache son nom. Il est le troisième film du duo Peter Brosens et Jessica Hope Woodworth : « Nous avons commencé à faire des fictions en Mongolie (Khadak) et au Pérou (Altiplano). Dans des lieux par définition très éloignés. Néanmoins, ce que nous nous sommes efforcés de transmettre est, à vrai dire, très, très proche de nous. Avec ce nouveau film, nous avons porté notre regard sur notre propre environnement parce qu’il nous a paru nécessaire de transposer nos idées dans le milieu dans lequel nous vivons ».
Ce nouveau long-métrage vient conclure leur trilogie. « Les trois films partagent d’évidence un même langage visuel, un sens de l’urgence et une thématique environnementale. Ce dont les films parlent dépend beaucoup du spectateur. Nous voulons qu’il soit touché par nos films au-delà de leurs lignes narratives ».
Le film fascine par son sujet tout autant que par sa forme, le traitement pictural de ses images. D'époustouflants mouvements, lents et harmonieux, prennent vie dans des plans fixes amples et majestueux. Les saisons passent (et trépassent) dans de magnifiques tableaux, à l'esthétisme sublime. Puis, le cycle déraille, tombe, se blesse mortellement. Entraînant avec lui d’insoupçonnables conséquences sur les végétaux, les animaux et les humains. D’un coup, tous deviennent égaux devant la catastrophe se profilant.
La nature meurt, les animaux perdent leurs repères et leurs « rôles ». Pendant ce temps (et comme toujours), les hommes font le choix de chercher un responsable plutôt qu’une solution. L’« étranger » devient la cible idéale, coupable indiscutable de tous les maux en situation de crise. Et pourtant, ce sont ceux qui ont peur (la majorité) qui deviennent les plus effrayants et dangereux. « L’étranger est profiteur » clament-ils, en réalité c’est lui qui sera pillé. « La cinquième saison recourt en fin de compte à une forme ultime d’arrogance : le sacrifice humain comme moyen désespéré de déjouer les mauvais augures » expliquent les réalisateurs.
« Je préfère être un homme de paradoxe plutôt qu’un homme de préjugé » déclare la victime. Tout le film tient en ces deux termes : Le paradoxe du comportement humain qui continue de malmener la nature, et ses préjugés envers qui osera l’alerter. « La cinquième saison » est un film sur le début de la fin du monde. Cette cinquième saison est une saison "génétiquement modifiée", déroutée de son chemin et de son destin.
Le film traite du rapport de l’homme à la nature, révélant (et réveillant) sa partie animale. Une nature qui abandonne à l’humain le résultat de ses excès, de son aveuglement. Austère et froid, on pourrait lui reprocher son manque d’émotion. Mais la réponse des producteurs du film sur le bien fondé de ce choix convainc : « Une telle parabole sort évidemment des sentiers battus, déjoue les attentes d’un cinéma où la psychologie et l’empathie pour les personnages occuperaient le devant de la scène. Mais comment filmer autrement qu’à distance quand la vie de tous s’en va à vau-l’eau ? ». « La cinquième saison » est un film pale et poétique, métaphorique et politique. Une sorte de vision prophétique d’un désastre annoncé.
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