LE BLOG DES FILMS D'AUTEUR

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DANS LA BRUME de Sergei Loznitsa

 

 

 

 

 

HONNEUR ET CHATIMENT

 

 par Bertrand Bichaud

 

5/5 CHEF D'OEUVRE

 

 

Première scène : On suit, à hauteur d’épaules, trois hommes. Ils marchent d’un pas lourd et lent, la tête baissée. Autour d’eux, un village, triste et sale. De vieilles dames les regardent avec peur et fascination. Des allemands, étriqués dans leur tenue de la wehrmacht observent, surveillent et expliquent les règles. 

- Tout le monde doit travailler pour relancer l’économie du pays (la Biélorussie), quiconque s’opposera à cette directive sera considéré comme un ennemi et subira le sort qui y correspond.

La caméra quitte les trois hommes pour se concentrer sur des carcasses d’animaux. Juste à côté, un mouton, seul, attendant son heure, broute le peu d’herbe qu’il trouve. Puis, on entend les pas des hommes monter des marches et s’arrêter. Et enfin ce son du poids des corps tombant dans le vide et tendant une corde. Les trois hommes viennent d’être pendu.

 

 

 

Cette magistrale ouverture rappelle combien Loznitsa est un grand metteur en scène. Constat déjà indiscutable à la vue de son précédent (et premier) film « My joy ». Ce nouveau long-métrage raconte l’histoire d’un homme accusé (à tort) d’avoir fait dérailler un train. Refusant de devenir collabo, les Allemands décident de le libérer après avoir pendu ses complices. Cette libération est considérée par tous, comme la preuve d’un accord passé avec l’armée nazie.

 

 

 

Le film parle d’honneur et de trahison. Le personnage principal répète : « Je ne peux pas ». La volonté n’a rien à voir avec ça. Il ne peut concevoir et vivre un acte de trahison, de dénonciation. La performance de Vladimir Svirskiy est absolument admirable. Fort, trapu, calme et décidé. Avec un regard d’enfant, innocent et bienveillant. Il accepte son sort, tout en défendant et assumant au prix de sa vie sa dignité, sa ligne de conduite. Son obstination à rester lui-même le confrontera aux plus douloureux des châtiments : le rejet de ses proches, de ses amis de toujours, refusant de voir en lui, toute la bonté qui le caractérise, tant sa personnalité d’une humanité peu commune paraît impossible.

 


 

Les dialogues sont rares et la musique absente. Tout le discours est véhiculé par l’image, souvent en plan séquence, avec une économie de mouvement. La puissance du cinéma de Loznitsa tient en sa persévérance à faire vivre le récit et les émotions qui l’habitent avec très peu d’éléments imposés. Chaque geste, regard, point de vue de la réalisation prend alors un sens exacerbé.

 

 

 

Le film est noir par son histoire et sombre par sa lumière. C’est le chef opérateur Oleg Mutu qui signe cette obscure luminosité, déjà présent sur « My joy », il est aussi responsable de l’atmosphère des films de Cristian Mungiu (« 4 mois, 3 semaines, 2 jours » et « Au-delà des collines »).

 

 

 

« Dans la brume » est une œuvre austère et sublime. Lente et ample, lancinante et hypnotique, âpre et puissante. Du grand cinéma servi par une somptueuse réalisation.

 

 

 

La bande annonce: 

 

 



04/02/2013
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