VOIE RAPIDE de Christophe Sahr
SANS ISSUE
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Sa voiture customisée, son meilleur pote Max, sa femme Rachel et sa fille Jennifer. Voilà ce qui anime (dans l’ordre...) la vie d’Alex, 25 ans, manutentionnaire, vivant dans une cité. Lorsqu’un terrible évènement s’impose à lui, sa vie en est bouleversée, le peu d’équilibre précaire qui le tenait (presque) debout disparaît. Son existence se referme alors sur lui, l’isolant encore un peu plus du monde, le coinçant de force dans une impasse, une voie sans issue.
"Je voulais quelque chose de presque charnelle entre Alex et sa voiture, qui vienne interférer dans sa relation avec Rachel" explique le réalisateur. Dans cet esprit, Christophe Sahr a effectué un réel "casting" de voiture, faisant des recherches sur des sites de tuning. Elle devait être à la fois simple, tape à l'oeil et sympathique.
Reconnaissant s'être inspiré du cinéma US des années 70, de "Macam à deux voies" (Monte Hellman) à "Point limite zéro" (Richard C. Sarafian), de "Duel" (Steven Spielberg) à "Christine" (John Carpenter), le cinéaste signe avec ce premier film une sorte de road movie à cent (soixante) à l’heure et pourtant immobile. Car dans “Voie rapide”, la vitesse se fait sur place. Ayant pour unique objectif de tenter d’oublier l’ici et de rêver d’un ailleurs.
Alex est un personnage dur et sensible, écorché vif et introverti. Sa colère, ses manques, c'est à travers ses excès (de vitesse) qu'il les extériorise. L'ivresse d’une feinte liberté et puissance, comme seul ressort pour exorciser son mal être. Le film par moment, donne à le voir magnifiquement se confondant avec sa machine. Ne faisant plus qu’un entre une réalité qu’il subit et son fantasme qu’il “matérialise” ainsi. Mais la vie n'est pas un jeu vidéo. Lorsque la partie s’arrête, point de Game Over pour solliciter une deuxième chance.
Alex évoque par moment les personnages de Bruno Dumont (“La vie de Jésus”, “L’humanité”...) et l’atmosphère du film peut rappeler celle du cinéma des frères Dardenne (“Rosetta, “Le silence de Lorna”...). "Voie rapide" est un film fait de peu de moyen, peu de temps, mais d’une inventivité et d’une énergie palpable, créant une tension alimentant graduellement la dramaturgie de l’histoire. Le casting, tout comme la direction d’acteur, sont absolument remarquables. Avec de très belles scènes poignantes, dont certaines pourtant assez risquées (celles de Johan Libéreau et Isabelle Candelier) se révèlent, comme par magie, totalement réussies.
“Voie rapide” est un film puissant, violent et délicat. Revisitant avec justesse et réalisme les stéréotypes d’un univers habituellement caricaturé et moqué. Un drame social et psychologique traité avec finesse et intelligence. Un très beau premier film.
Suppléments du DVD (sortie le 2 juillet 2013):
- Interviews de l'équipe du film
- Courts métrages de Christophe Sahr :
- "Contact" (2008)
- "Custom" (2009)
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