ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow
LA TRAQUE
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Après son explosif « Démineurs », la réalisatrice américaine nous revient avec un film pour le moins détonnant et d’une efficacité… désarmante! Zéro Dark Thirty raconte, à partir de faits réels, le travail d’une unité des forces spéciales de l’armée Américaine pour localiser Oussama Ben Laden.
Les faits, rien que les faits. Kathryn Bigelow relate les évènements, les uns après les autres, sans dénonciation ni glorification. Avec le juste équilibre laissant au spectateur le soin de qualifier ce dont il devient le témoin.
Le film soulève deux sujets aussi délicats que compliqués. Le premier est l’utilisation de la torture. La première partie du film la montre, avec précision mais sans sensationnalisme inutile. Puis, les protagonistes, sous la pression du gouvernement l’interdisant, critiquent cet « angélisme », argumentant que ce n’est pas dans le cadre d’un interrogatoire classique, assisté par son avocat qu’un terroriste pourra fournir les informations nécessaires à éviter de nouveaux attentats...
Le deuxième point, moins relayé par les politiques US ou par la presse en général, concerne l’objectif même de la mission. Comme le dit le personnage de Jessica Chastain: "il faut tuer Ben Laden". Il n’est, à aucun moment question d’arrestation, de procès et de jugement. Point de vue que l’on retrouve (dans la vraie vie) dans les propos du président Obama déclarant lors de l’annonce de la mort de Ben Laden « La justice a été faite ». Ou comment transformer une présumée justice en une simple et pathétique vengeance.
Alors oui, Zéro Dark Thirty peut apparaître comme une grosse machine cinématographique. Et pourtant, la démarche de la réalisatrice et le traitement qu’elle apporte à son sujet en font un film qui s’oppose en tous points à un blockbuster. Pas d’histoire d’amour, de scène larmoyante, de justification psychologique, de déversement patriotique ici. Non, le film plus proche d’une philosophie de documentaire se contente de révéler des évènements, avec neutralité.
La réalisatrice (ex- femme d’un certain James Cameron…) débuta sa carrière en tant que peintre, passionnée par le mouvement avant-gardiste, elle fût membre du Collectif « Art and Language ». Sa filmographie a la particularité de passer du meilleur au moins bon. Pour exemple, l’insignifiant « Blue Steel », dans lequel un psychopathe poursuit une Jamie Lee Curtis policière. Ou encore « Point Break », une histoire de surfeurs braqueurs de banque…
Et d’un autre côté, en 1995, elle réalise un intelligent (c’est pas si courant) film de science-fiction noir et haletant « Strange days ». Et quinze année plus tard « Démineurs » passionnant récit sur la guerre en Irak lui fait décrocher deux Oscars : Meilleur film et Meilleur réalisateur (devenant la première femme à recevoir ce prix à l’énoncé masculin…), ainsi que les deux mêmes prix au BAFTA Awards.
Zéro Dark Thirty est une réflexion sur la justice et ses méthodes d’application, dynamisée par une époustouflante réalisation. Un film instructif et intense.
La bande annonce:
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 156 autres membres