TEL PERE, TEL FILS d’Hirokazu Koreeda
L’ESSAYER, C’EST L’ADOPTER…
par Bertrand Bichaud
4/5 ON ADORE
Ryoata est un architecte obsédé par sa réussite professionnelle. Il forme avec sa jeune épouse et leur fils de 6 ans une famille idéale. Apportant beaucoup d’attention et d’exigence à l’éducation de leur enfant, ils vivent dans un confort matériel qui en ferait rêver beaucoup. Mais tout vole en éclats quand un jour, la maternité de l'hôpital où est né leur enfant, leur apprend que deux nourrissons ont été échangés à la naissance : le garçon qu’ils ont élevé n’est pas le leur. Leur fils biologique qui a grandi non loin de là, vit dans un milieu plus modeste…
Comme dans ses précédents films, le réalisateur s’atèle une fois de plus à l’analyse des relations qui lient les membres d’une fratrie. «Nobody knows», «Still walking», et «I wish», tous les trois différemment (et brillamment), constituaient à leur manière un certain point de vue sur l’état actuel de la famille Japonaise. «Tel père, tel fils» vient prolonger cette réflexion, en évitant toute redite et position morale dans l’exposition de son histoire. «Je vais sans doute continuer à aborder la paternité dans mes prochains films, explique le réalisateur, jusqu’à ce que j’en comprenne les raisons profonde».
Koreeda est devenu en quelques années un habitué de la croisette. En 2011, on y avait présenté «Distance», en 2004 «Nobody knows» et en 2009 «Air doll» dans la sélection «Un certain regard». Mais c’est avec «Tel père, tel fils» qu’il est, pour la première fois, couronné du Prix du Jury en 2013. Steven Spielberg lui-même (Président du Jury) s’était dit «charmé» après la projection du film. La bonne nouvelle en fut l’attribution du Prix du Jury, la moins bonne, l’achat des droits par le réalisateur Américain qui en proposera bientôt un remake US…
«Tel père, tel fils» est un très beau film qui dépasse et de beaucoup son principal thème : La filiation. Au-delà de ce que les personnages appellent «le droit du sang», une série de questionnements s'impose. Le film traite du rapport homme-femme, de l'implication des parents dans l’éducation de leur enfant. Il pointe l’importance donnée à la reconnaissance sociale d’un travail considéré comme valorisant. Il constate le temps de vie de famille vampirisé par le monde du travail. Il parle aussi principalement d’amour. De l’amour simple, instinctif des parents pour leurs enfants. Du plaisir d’être, de jouer, de parler, de se regarder, de vivre ensemble. Le film est une magnifique réflexion sur l’écart parfois abyssal qui peut exister entre les bonnes intentions guidées par les conventions sociales et l’amour pur, spontané, inné d’un parent pour son enfant.
Laissant de côté tout sentimentalisme, le film est d’une justesse bouleversante. Naviguant constamment entre les pensées des adultes et les ressentis des enfants. Une histoire sur des sujets «lourds» traitée avec une subtile délicatesse. Un grand drame familial sur la société actuelle. Un film qui éclaire sur un monde en perte de ses repères fondamentaux, sacrifiant par la même l'une des clés de l’épanouissement individuel et collectif : le bonheur familial.
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