MICHAEL KOHLHAAS d’Arnaud des Pallières
L’INJUSTICE DES HOMMES
par Bertrand Bichaud
4/5 ON ADORE
Au XVIème siècle dans les Cévennes, un marchand de chevaux, Michael Kohlhaas, mène avec sa famille une vie calme et harmonieuse. Mais un jour, victime de l'injustice d'un seigneur, il décide de mettre tout en œuvre pour obtenir réparation, y compris en contournant la loi dont il est pourtant le premier à exiger le respect.
Cette histoire romanesque est adaptée d’une nouvelle écrite par Heinrich Von Kleist (l’un des textes Allemands préférés de Kafka…) en 1810. Une fiction inspirée de faits réels ayant fait l’objet d’un premier film en 1969, réalisé par Volker Schlöndorff.
Le film fait le choix d’être assez taiseux, décision judicieuse lui insufflant une atmosphère puissante et prégnante. Et qui ne l’empêche en rien de proclamer l’essentiel en peu de mots, quand il se décide à donner la parole à ses personnages. C’est le cas d’une scène centrale et stratégique entre un pasteur ( interprété magistralement par Denis Lavant) et Kohlhaas, pour une fois (foi ?) en proie aux doutes du bien-fondé de son point de vue et des actions criminelles qui en découlent.
Le casting est truffé de bonnes surprises, avec Bruno Ganz, Sergi Lopez et Jacques Nolot. On peut regretter que le très charismatique rôle-titre ne permette à Mads Mikkelsen de déployer toute la mesure de son jeu d’acteur. Pour cause, un personnage enfermé dans une personnalité détenant peu d’émotions à son « arc » : Fier, droit, honnête, obstiné et opiniâtre, son attitude et comportement restent assez limités à sa rigidité de caractère. Le comédien campe pourtant, avec une justesse et finesse incontestables, son personnage.
Le parti pris de mise en scène apparaît d'abord discrètement mais s’avère finalement bel et bien affirmé et personnel. Pour preuve entre autres, deux scènes : La première attaque de Kohlhaas et de ses hommes dans une longue, lente et silencieuse séquence. Ou encore le plan final, qui lui aussi prend le temps nécessaire, celui du réalisme pour donner toute sa dimension émotionnelle à une grande scène qui marque et qui restera. Techniquement simple, elle se révèle d’une frappante efficacité.
Le film est violent, mais avec une sobriété bienvenue, pas d’excès de sanguinolent, le suggéré suffit à en transmettre son horreur. L’histoire conserve en cela sa dimension de conte. Il n'est pas à ce titre - et sur le thème de la vengeance se revendiquant de la justice - sans rappeler "La source" d'Ingmar Bergman.
Sorte de western féodal inquiétant et émouvant, aux images magnifiquement austères et crépusculaires, à l’univers sonore lancinant et entêtant, « Michael Kohlhaas » est un questionnement sur la morale, la justice, la religion et l’ordre. Condamnant la corruption, l’abus de pouvoir, il met à l'honneur la détermination (l’obsession ?) qu’elle nécessite pour arriver à ses fins. Et ce, quelles qu'en soient les conséquences, et leurs démesures face à la réalité des enjeux initiaux.
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