LA RELIGIEUSE de Guillaume Nicloux
À VOS ORDRES
par Bertrand Bichaud
4/5 ON ADORE
"La religieuse" est une adaptation du roman (posthume) de Diderot. Histoire elle-même inspirée de faits réels arrivés à une certaine Marguerite Delamarre qui, après avoir été enfermée de force par sa famille dans l’Abbaye de Longchamp, avait fait appel à la justice pour pouvoir retrouver sa liberté.
Une effrayante tragédie où une jeune femme subissait dans un couvent de terribles traitements dignes d’un véritable centre pénitentiaire. À noter qu'en ces lieux, les chambres étaient étrangement nommées « cellules »… Mais ces faits datent du XVIIIème siècle me direz-vous. Pourtant, à la vision de "La religieuse", on ne peut que repenser au récent "Au-delà des collines" de Cristian Mungiu, relatant de similaires maltraitances infligées au nom… de Dieu ! Des faits qui eux datent de 2005.
Mais revenons à Suzanne, jeune femme de 16 ans, qui portant sur ses épaules un secret familial, se retrouve contrainte de rentrer dans les ordres bien malgré elle. Elle va alors être soumise au diktat de ses (mères) supérieures, tantôt sadiques, tantôt d’un amour peu « chrétien ».
Victime de la « mauvaise foi » de ses geôlières, Suzanne va par tous les moyens tenter de trouver une solution pour reprendre la maîtrise de son destin, et recouvrer une liberté bien méritée.
D’aucuns diraient que le film est si beau, qu’il serait un don du ciel. Mais ce serait quelque peu inadéquat… Parlons plutôt du premier plaisir qui frappe à sa vision, celui des mots de Diderot, son écriture vive et enlevée, précise et directe. Un texte, qui bien qu’ayant la distinction d’un autre temps est interprété par l’ensemble de la distribution avec une étonnante fluidité.
Le casting est un remarquable sans faute. Pauline Etienne tient ici la performance la plus impressionnante de sa filmographie, (le blog lui décerne d’ores et déjà le César de la meilleure comédienne pour cette année, que ce soit dit…). Louise Bourgoin est pour la première fois des plus convaincantes dans un rôle pour le moins de composition. Un choix gonflé et des plus ingénieux.
Quant à Isabelle Huppert, nous sommes au regret de répéter inlassablement qu’elle est une fois de plus d’une justesse et d’une puissance de jeu admirable. Tous les seconds rôles ne faisant que renforcer cette double certitude que la pertinence du choix des comédien(ne)s est à la hauteur de l’évident talent de directeur d’acteur du réalisateur.
Pour Guillaume Nicloux ce film constitue une véritable source de réflexion et d’espoir. Il se souvient : « En pleine révélation punk et anarchiste, je me suis mis à dévorer les livres, et parmi eux ‘’La Religieuse’’, que j’ai reçu de façon très violente dans ma révolte et le foisonnement de questions que je me posais. Ce livre ne m’a jamais quitté et a laissé une marque indélébile en moi. Quelques années plus tard, je me suis demandé comment donner une dimension cinématographique à l’histoire de cette jeune fille mise au couvent contre son gré. J’ai seulement trouvé l’angle d’une adaptation possible il y a trois ans ».
La réalisation est sobre, d'un académisme de bon ton, intelligemment épurée, supportant l’histoire et son univers. « La religieuse » est une œuvre forte dont on ne ressort pas indemne. Un magnifique pamphlet qui dépasse la simple critique cléricale. Une ode à la rébellion, au refus de l’arbitraire et de l’autoritarisme sous toutes ses formes, sociales, culturelles ou politiques.
Alors ne vous faites pas prier, et découvrez ce film aussi beau dans sa forme que nécessaire par son sujet.
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