INSIDE LLEWYN DAVIS d’Ethan et Joel Coen
DANS LA PEAU DE…
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BIEN
Le film invite à partager durant une semaine la vie d'un chanteur de folk, Llewyn Davis, dans le Greenwich Village du début des années 60. Alors qu'un hiver rigoureux sévit sur New York, le jeune homme, sa guitare à la main (et le chat d’un ami dans les bras…), galère, passe des auditions, joue et se fait payer « au chapeau » dans des bars plus ou moins (bien) fréquentés. Dormant, au hasard de ses rencontres chez des amis ou des (presque) inconnu(e)s. Des cafés du Village à un club désert de Chicago, ses mésaventures le conduisent jusqu'à une audition pour le géant de la musique Bud Grossman, une rencontre à laquelle il croit beaucoup, peut-être une opportunité pour changer de vie et lancer enfin réellement sa carrière.
Le scénario s'inspire en partie de la vie de Dave Van Ronk, chanteur de Folk New Yorkais, qui n’a cessé durant toute son existence, d’alterner entre sa passion, la musique, et un travail « alimentaire » dans la marine marchande. Nombre de chansons du film sont extraites de son répertoire. La pochette du disque vynile de Llewyn Davis que l’on voit dans plusieurs scènes est une copie de celle de l’album de Dave Van Ronk « Inside Dave Van Ronk », seule l’image du comédien a été remplacée par celle de la photo originale.
On savait que les Frères Coen avaient un goût prononcé pour la musique et en particulier pour les chansons US des années 60 et 70, la mythique scène d’enregistrement de George Clooney et son band dans « O’brother » est à ce titre restée dans tous les esprits des amateurs des réalisateurs. Cette fois la musique prend une place ouvertement prépondérante, dans l’histoire mais aussi dans la bande originale du film, de nombreuses séquences filment des chansons jouées en studio ou dans des bars.
Les Coen confirment avec ce nouvel opus leur singularité, une spécificité qui leur est propre. Une personnalité unique, faite de fantaisie, d’imprévues, et d’une permanente présence sous-jacente d’humour atypique et souvent sombre. Ce film est certainement le plus mélancolique de leur filmographie. Llewin Davis est un authentique looser, sacrifié par un destin qui semble lui en vouloir et ne lui consentir aucune faveur. Pas vraiment meilleur, mais loin d’être plus mauvais que ses "collègues" artistes, Davis n’arrive jamais à prendre son envol, constamment plombé par un (mauvais) sort au sourire ironique.
"Inside Llewyn Davis" est l’histoire d’un chanteur raté qui touche et questionne. Le film ressemble à une sorte d’hommage aux perdants, de reconnaissance donnée à l’intégrité artistique, même lorsque celle-ci devient synonyme d’échec. Foncièrement pessimiste, il se referme avec étrangeté sur un parti pris scénaristique troublant et elliptique. Ce nouveau Coen est une ode douce amère dénonçant avec truculence l'injustice dont le fatalisme peut parfois faire preuve.
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