LE BLOG DES FILMS D'AUTEUR

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4h44 DERNIER JOUR SUR TERRE d’Abel Ferrara

 

APOCALYSPE NOW

 

par Bertrand Bichaud 

 

3/5 ON AIME BEAUCOUP

 


La fin du monde est un sujet qui « interpelle » le cinéma depuis… Toujours. De multiples approches lui ont été infligées, pour ne parler que des plus récentes : « Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare » est une comédie (mais pas drôle…) dégoulinante de sentimentalisme en carton pâte, « Melancholia » propose quant à elle, sa vision Danoise d’une science fiction hallucinatoire, et « 2012 » est, au-delà de ses effets spéciaux impressionnants, un film  catastrophe…catastrophique.

 


 

Ferrera fait ici le judicieux choix du traitement du sujet en version réaliste. Ce presque « huis clos » se passe au dernier étage d’un loft New Yorkais. Un couple (passionnément amoureux) va vivre ensemble les dernières heures qui les séparent d’une fin assurée.

 


Lui, c’est William Dafoe, parfait ( zéro dafoe...) dans son rôle. Comme souvent avec les metteurs en scène ayant une forte personnalité, leur protagoniste semble se fondre en eux, il reproduit alors à l’image leur geste, leur regard, leur manière de parler. C’est le cas souvent avec Woody Allen qui, lorsqu’il ne joue pas lui-même, se retrouve ainsi « singé ». Et c’est précisément aussi ce que l’on voit dans 4h44. William Dafoe bouge, danse, crie comme le ferait le réalisateur, avec sa nonchalance vaporeuse  et sa colère réfrénée. D’ailleurs, le personnage principal a de nombreux points communs avec le cinéaste. Ex-toxico, bouddhiste méritant (et donc méditant), il a pour girlfriend Shanyn Leigh, qui est (dans la vraie vie) la compagne du réalisateur (alors tiens donc...).

 


Le film pose deux questions aussi essentielles (et existentielles) que passionnantes. En premier lieu : Comment aborder cette mort si spécifique ? Car, habituellement, on envisage soit sa propre et unique mort, qui crée une peur panique causée par l’inconnu de l’après, soit la mort d’un(e) autre qui génère le désespoir du futur manque. Mais comment envisager une mort de tous, et au même moment ? Devient-elle ainsi plus apaisante ou encore plus terrifiante ?

 


Deuxième question : Que faire de ses derniers instants de vie ? Remettre en cause ses engagements, ses convictions ? Dans le cas du personnage de Dafoe, cela se traduit par :  Dois-je me replonger dans les plaisirs nocifs et culpabilisants des paradis artificiels, après tant d’efforts et d’années d’abstinence ? Autre interrogation: Dois-je me donner la mort quand et comme je le veux, pour avoir une impression de contrôle, un dernier sentiment de liberté individuelle ?  Voilà quelques-unes des réflexions qui rendent ce film si beau et troublant.

 


Le monde (de fin du monde) de Ferrara est fait d’images sous de nombreuses formes (écran de télé, d’ordinateur, de tablette, des toiles, des tags…) et de voix (par téléphone, par skype, venant de la rue…). Loin de l’harmonie recherchée par les personnages, ce trop plein de sons et de visuels les broie dans une cacophonie kaléidoscopique.

 

 

 

 

Film plus ambitieux qu’il n’en a l’air, 4h44 ne tombe pas, pour une fois avec Ferrara, ni dans une dénonciation de la religion, ni dans les excès stupéfiants des (sombres) voyages que la drogue impose.

 

 

 

Décidément Abel Ferrara est au cinéma ce que Tom Waits est à la musique et ce que Bukowski était à la littérature : un poète déchu, un créateur écorché vif, d’une lucidité acerbe qui tente en maltraitant son art d’éloigner ses démons.

Le résultat, dans les trois cas est toujours d’une rare pertinence et d’une originalité qui inspire le plus sincère des respects.

 

 

 

Ferrara apparaît avec ce film plus assagi que jamais, sa réalisation est posée, suivant le mouvement général des personnages, sans jamais les trahir.

Si la fin du monde arrive un jour et que vous ne souhaitiez voir qu’un film du réalisateur, sans aucun doute, c’est celui-ci qu’il vous faudra choisir.

 

 

 

La bande annonce:


 

 



22/12/2012
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