CRAWL d’Hervé Lasgouttes
MAL DE MERES
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Martin vit en Bretagne, au côté de son père qui se laisse porter à la dérive par le chant des sirènes de l’alcool. Martin bosse un peu et se fait souvent licencier :
- T’as encore été viré ?
- Non, j’ai juste été libéré de mon job, pour bonne conduite !
Alors il traficote, rien de très grave, mais avec un naturel déconcertant, une absence totale de remords et de perception du danger que cela représente.
Gwen habite dans un mobile home, toute la journée elle découpe des poissons. Le midi, pendant sa pause, elle passe sa combinaison et part nager en pleine mer. Elle a pour rêve de partir au Mexique pour participer au championnat du monde de Crawl.
Martin et Gwen sortent ensemble. Une relation faite de peu de mots, mais d’une envie commune, oublier leur solitude et leur vie, peu réjouissante en l'état.
« Crawl » est le premier film d’Hervé Lasgouttes. "A travers ce récit, basé sur des vies ordinaires, et qui par certains aspects pourraient être les nôtres, le film a l’ambition de nous en faire un récit fort, en mettant en scène des personnages extraordinaires » explique-t-il.
Le film suit Martin et Gwen, lui pataugeant dans une conduite de vie risquant à tout moment de le faire plonger, et elle, combattante, s’entraînant jour après jour pour devenir la meilleure nageuse du monde… Tous deux souffrent du mal créé par l’absence de leur mère. Semblant un peu perdu dans leur vie en manque de repaire (re-père ?). La mère de Martin est morte noyée, et Gwen ne veut plus voir la sienne, partageant sa vie avec un militaire violent.
Les femmes ont des rôles déterminants dans ce film. Gwen tente d’emporter Martin avec lui, dans sa soif de vie. Autre personnage crucial, la sœur de Martin, infirmière, fait le lien entre les hommes, tantôt apaisant avec douceur leur douleur, tantôt refusant leur peur avec force et conviction.
Voilà un film plus complexe et intéressant qu’il apparaît en première lecture. Dotée d’une sorte d’intelligence instinctive, c’est tout en sobriété et en discrétion qu’il se révèle bien plus riche et fort qu’il ne semble le revendiquer. La réalisation, jouant la carte du réalisme se permet parfois de bien belles idées, stimulant l’envie au spectateur d’en demander un peu plus. « Crawl » est étonnamment abouti pour un premier film. Le casting (bien qu’il ait été le résultat de bien des aléas) est l’une des grandes forces, tous les comédiens étant singuliers et formant à eux tous une unité homogène. Entre drame psychologique et social, l’équilibre est juste. Une sorte de Dumont en moins austère, de Loach en moins politique et de Guédiguian en plus nordique !
« Crawl » est un premier film réussi, réaliste et sombre, humain et sobre, qui donne méchamment envie de suivre de près son réalisateur qui, c’est une évidence, a encore beaucoup à dire et à montrer.
La bande annonce:
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