AS I LAY DYING de James Franco
MORTELLE RANDONNÉE
par Bertrand Bichaud
4/5 ON ADORE
Après le décès d’Addie Bundren, son mari et ses cinq enfants entament un long périple à travers le Mississippi pour accompagner la dépouille jusqu’à sa dernière demeure. Sur une charrette brinquebalante, tous partagent le dernier voyage de cette femme. Chacun d’eux vivant à sa façon le deuil. Le trajet sera rempli d’épreuves, imposées par la nature et le destin familial. Car, pour ce qu’il reste de cette famille, rien n’est plus dangereux que les tourments et les blessures secrètes qu’ils portent chacun au plus profond de leur âme…
Le film est adapté du roman éponyme de William Faulkner (en français « Tandis que j'agonise »). C'est la première déclinaison cinématographique de ce roman considéré jusqu’à ce jour comme « inadaptable » au cinéma. Le roman de 600 pages, structuré en 59 chapitres, a la particularité d’être composé exclusivement des monologues des 15 narrateurs.
Voilà bien un projet qui aura demandé de la patience à ses créateurs. Cinq années ont été nécessaire pour régler les problèmes de droits d’utilisation de l’œuvre et deux supplémentaires pour monter financièrement le film. En revanche, c’est le manque de temps (car de moyens) qui aura accompagné le tournage. « As I lay dying » a été tourné au Mississippi en 25 jours.
Faulkner, prix Nobel de la littérature en 1949, lauréat de deux prix Pulitzer, est aussi l’auteur de nombreux scénarios, dont certains sont devenus des classiques légendaires de l’histoire du cinéma US, entre autres les Howard Hawks « Le port de l’angoisse » et « Le grand sommeil ». Ici, c’est de manière posthume, par le biais de l’adaptation d’un de ses romans, et par la voie du cinéma indépendant que ses mots, ses personnages et ses histoires reprennent le chemin des salles obscures. Le résultat est le plus bel hommage qui pouvait aujourd’hui lui être rendu.
Oser s’attaquer à un roman de la sorte, suggère une bonne dose d’inconscience cumulée à une inventivité à toute épreuve. James Franco prouve, à la découverte du film, qu’il détient les deux, le tout avec une nonchalance dédramatisant l’ampleur du projet. Sa mise en scène est fluide et libre, se permettant l’utilisation toujours délicate du « split screen » (plusieurs images sur l’écran simultanément…), qui ici trouve une relative légitimité ne tombant pas dans la facilité de proposer deux scènes différentes se déroulant au même moment, mais une séquence unique sous deux points de vue. Les voix off, évidentes compte tenu de l’importance narrative d’origine, restent modérées ne vampirisant pas le reste du récit.
Plus qu’une adaptation (en effet classiquement improbable), le film de James Franco est davantage à classer dans le registre de la transposition cinématographique. Conservant quelques-unes des sublimes narrations du livre, il y ajoute sa perception visuelle de l’œuvre. Le résultat est magnifique. « As I lay dying » est une histoire tendue et violente, tumultueuse et suintante. Un road movie à cheval, aux odeurs mêlées de crasse animale et humaine, de terre séchée et de rivière boueuse. Un véritable bijou rocailleux du cinéma indépendant US. Un film qui donne une furieuse envie de (re)lire Faulkner…
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