AIME ET FAIS CE QUE TU VEUX de Malgoska Szumowska
GOD BLESSE MON AME
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Adam est prêtre dans une paroisse rurale en Pologne, il s’occupe d’un foyer accueillant de jeunes adultes délinquants. Par son implication et sa proximité avec tous, il suscite unanimement l’admiration et le respect. Mais peu à peu, un désir incompatible avec sa fonction se transforme en véritable chemin de croix. Habité par une foi véritable mais rongé par la culpabilité, il tente en vain de lutter contre son intime ambivalence.
Un homme d’église, porté sur la boisson et devant se battre contre lui-même pour ne pas céder au péché de chair… Le cinéma nous en avait donné une représentation des plus mémorables avec le révérend Lawrence Shannon, alias Richard Burton dans le cultissime et indémodable « La nuit de l’iguane » de John Huston. Mais ici, la situation est tout autre, et son traitement aux antipodes. Car le prête de « Aime et fais ce que tu veux » souhaite plus que tout conserver son « rôle », honorer sa vocation. Ici, le récit se développe en drame, un drame humain, idéologique, intime et spirituel.
« J’ai volontairement décidé de m’éloigner d’un fait-divers, et j’ai voulu réaliser un film sur la solitude terrible du prêtre. Je voulais montrer l’amour, le besoin d’amour, même si, du fait de sa nature, l’amour que je décris est considéré comme un pêché (…) Lors de l’écriture, j’avais une forte appréhension sur la réaction qu’un tel sujet pouvait susciter notamment auprès de la droite conservatrice et des milieux proches de l’Eglise. Il règne encore dans ce pays un tabou très fort et ce, malgré l’influence des médias qui abordent ce sujet de plus en plus librement (…) En Pologne, nous avons encore beaucoup de mal à accepter les différences », indique la réalisatrice.
L’origine du titre du film « Aime et fais ce que tu veux » est à trouver au détour des 4ème et 5ème siècles. Il s’agit d’une citation de Saint Augustin, évêque, philosophe et théologien d’origine berbère considéré comme l’un des Pères de l’Eglise latine. « Aime et fais ce que tu veux » revendique avec constance « l’incorrection » de son sujet et la manière dont il l’aborde. Le réalisme et la compassion sont au centre du traitement du sujet. Pas de moralisme, de prosélytisme, ni d’angélisme non plus. Juste une réflexion des plus légitimes ici posée et développée avec humanité et courage.
Le film expose des portraits de personnages en souffrance, raconte l’isolement que certaines conditions imposent. Le prêtre et son célibat, les jeunes et leurs manques de repères qu’ils se doivent de combattre pour ne pas (re)tomber. L’une des femmes du village subissant une solitude broyant son quotidien.
« Aime et fais ce que tu veux » est un questionnement sur le besoin d’amour, d’écoute, d’attention, d’échange. La réalisation offre quelques magnifiques séquences (les courses du prête dans les bois) et n’a pas peur de s’hasarder vers des scènes difficiles, et ambitieuses, mais totalement réussies (le jeu du champ de maïs). Le scénario étonne, prolongeant une histoire que d’autres auraient arrêtée bien en amont, concluant le récit par une fin ironique et contestable mais osée. Le montage prouve la singularité souhaitée et bienvenue de la réalisatrice.
« Aime et fais ce que tu veux» est un film surprenant et troublant, parfois dérangeant. Génialement interprété par Andrez Chyra, auquel on ne peut que souhaiter que la reconnaissance dont il bénéficie en Pologne s’étende bien au-delà de ses frontières. Ce film a tout pour y contribuer.
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