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LE VIEIL HOMME ET L’AMER

par Bertrand Bichaud

3/5 ON AIME BEAUCOUP

Monsieur Noun est un émigré Egyptien, ancien projectionniste à la retraite, vivant dans le Nord de Paris. Anna, d’origine Roumaine se prostitue, par destin et par dépit, « soutenue » par son mec (et mac alors donc aussi…). Khalil, le petit-fils de Monsieur Noun filme l’amitié au quotidien du vieil homme et de la jeune femme. Mais d’étonnants évènements vont venir bouleverser leur vulnérable et hasardeux équilibre de vie.

Au centre (et au cœur) de l’histoire, deux personnages aussi différents qu’attachants par leur humanité et leur courage. Et deux comédiens magnifiques pour les interpréter : Gamil Ratlib (« Lauwrence d’Arabie » de David Lean, « Adieu Bonaparte » de Youssef Chanine) et Anamaria Marinca, révélation du « Quatre mois, trois semaines, deux jours » de Cristian Mungiu.

« Un nuage dans un verre d’eau » séduit dans un premier temps par sa beauté visuelle. Avec une liberté sans limites et une truculente fantaisie, l’histoire se déploie dans des dimensions multiples et inattendues. Aux confins de genres habituellement antinomiques (documentaire, animation, chronique sociale, polar, fantastique…) le film livre sa propre personnalité avec une assurance déconcertante et des plus convaincantes.

Humaniste et poétique, aux envolées philosophiques existentielles, mais sans aucune prétention ni moralisme, le récit captive autant qu’il étonne. Des faits-divers ponctuent l’histoire, imposant l’omniprésence de la triste et macabre réalité dans un monde fictif esthétisé. L’intrigue n’est pas l’essentiel dans cette œuvre. Sa forme en est le sujet premier. « L’histoire m’écrit et j’écris l’histoire » déclare Monsieur Noun, une pensée qui résume l’ensorcelante particularité narrative du récit.

Ludique et profond, lucide et plein d’espoir, « Un nuage dans un verre d’eau » est un ovni à apprivoiser pour l’adopter. L’histoire d’existences âpres et rudes, ensevelies dans une amertume latente, dont seule l’intervention de l’imaginaire peut se révéler libératrice.

Hyper inventif, poétique et vivifiant, voici un premier film bluffant, sous forme de conte onirique moderne. Si vous n’avez pas peur de la singularité cinématographique d’un nouveau réalisateur à suivre, foncez-y !