PRISONERS de Denis Villeneuve
DOUBLE PEINE
par Bertrand Bichaud
1/5 MOYEN MOYEN
Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy disparaissent en pleine journée, à quelques pas de la maison de leurs parents respectifs. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping. Le suspect principal est rapidement arrêté mais relâché faute de preuve, entraînant la fureur du père d’une des disparues qui décide de mener ses propres investigations.
« Prisoners » est typiquement le thriller hollywoodien aux intervenants interchangeables, tant le « produit » est formaté pour convaincre un public le plus large possible. Le projet avait déjà fait l’objet de différentes options de distribution depuis quelques années, les deux principaux rôles ayant été proposé à Mark Wahlberg et Christian Bale, puis à Michael Fassbender et Leonardo DiCaprio. Quant à la réalisation, Bryan Singer (« X Men »…) avait été consulté.
Quelle (mauvaise) surprise de découvrir « Prisoners » avec le souvenir encore ému du fascinant et extraordinaire précédent film du réalisateur Denis Villeneuve « Incendies ». Il faut dit que la filmographie du cinéaste est pour le moins inégale, son « 32 août sur terre », plutôt fantaisiste et un peu charmant en était néanmoins déjà un signe avant coureur.
Le principal soucis du film réside en son scénario ayant la prétention de côtoyer des classiques tels que « Seven » ou « Mystic river » (comme voudrait nous en convaincre l’affiche) en en étant en réalité bien éloigné. Car ici, les invraisemblances qui tentent de structurer l’intrigue sont, lorsqu’on s’y arrête quelques instants, des plus grossières.
La volonté marquée de créer des personnages à la personnalité particulière est en soit une idée plutôt bienvenue, encore faudrait-il composer avec finesse et nuance les traits de comportement qui créeront la spécificité des protagonistes. Ici, le flic se retrouve le seul type de la ville à fermer le dernier bouton du col de sa chemise (signe d’une introversion ?!!!) et cligne régulièrement des yeux (une anxiété chronique ?!!!). Quant aux deux suspects d’enlèvement, leur visage de serial killer asocial sauterait aux yeux des moins physionomistes d’entre nous en un regard...
Dernier point symptomatique du ratage de l’histoire, l’utilisation d’un principe si éculé qu’il n’est plus raisonnable de continuer à le pratiquer : Prendre la personne paraissant la plus innocente de toute la distribution du film et par un tour de passe-passe (qui ne passe pas d'ailleurs...) en faire le coupable à trois minutes du générique de fin . Oups, maintenant vous savez qui a tué…
C’est bien de la peine que l’on ressent à la sortie du film. Celle de voir Denis Villeneuve, après « Incendies » se laisser aller à une réalisation dans laquelle il met si peu de sa singularité. Et la peine d’avoir la certitude que le film marchera et qu’il empêchera certainement le réalisateur de revenir à des projets plus personnels dans lesquels, on pressentait qu'il avait pourtant tant à montrer et à dire. Une double peine, quoi… En conclusion, voilà bien un film de commande que l'on se passera de vous recommander.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 156 autres membres