POLLUTING PARADISE de Fatih Akin
DÉCHARGE DE RESPONSABILITÉ
par Bertrand Bichaud
1/5 MOYEN MOYEN
Alors qu’il tourne la dernière scène de « De l’autre côté » en 2006 à Camburnu, le village natal de ses grands-parents au nord-est de la Turquie, Fatih Akin entend parler d’un projet de construction d’une immense décharge. Elle représenterait, selon les habitants vivant depuis des générations de la pêche et de la culture du thé, une catastrophe écologique de premier ordre.
Le réalisateur décide alors de suivre l’avancée du projet, s’associant à sa manière aux villageois et à leur Maire, afin de tenter au mieux de faire annuler cette décision, au pire que la décharge soit la plus adaptée au lieu. L'objectif: ne pas avoir à subir les néfastes effets potentiels sur l’environnement et la qualité de vie des habitants. Pourtant, en quelques mois, et malgré les engagements des responsables du chantier « Ce sera la plus moderne des décharges du pays ! », peu à peu les problèmes se font « sentir ». Une odeur nauséabonde envahie l’ensemble du village, et est même perceptible par les bateaux de pêcheurs longeant la côte. Les « officiels » ne trouvent rien de mieux que d’installer des vaporisateurs automatiques tout autour de la décharge pour couvrir les terribles émanations.
Les années passent et l’air est de plus en plus infectée, la nappe phréatique contaminée. Lorsque des pluies violentes arrivent, des fuites du système d’évacuation et d’assainissement rejettent dans la rivière et dans la mer des eaux polluées. La mer noire n’a jamais si bien portée son nom…
Fatih Akin, nous avait habitué à un cinéma éclectique et toujours pertinent, "Head on", "Soul Kitchen" et "Julie en juillet" en sont la preuve. Quant au magnifique "De l'autre côté", il reste, et de loin son meilleur film. "Polluting paradise" part sans nul doute d’un bon sentiment et d’une volonté sincère de participer avec ses moyens et son expérience (cinématographique) à ce combat on ne peut plus légitime. Pourtant, rapidement, le format d’un long-métrage (ici, 98 minutes) apparaît inadapté. Un reportage (calibré télé) de 30 minutes aurait été suffisant et bien plus impactant. Ici, nombres de scènes sont répétitives et redondantes. D’autres, trop éloignées du cœur du sujet.
Le film pâtit aussi de son approche, le réalisateur se positionnant en spectateur, témoin passif de l’action qui se déroule devant lui. Un travail plus journalistique, de type "enquête" aurait offert une meilleure compréhension des problèmes, enjeux et responsabilités ayant mené à ce drame écologique. Il semble que l’engouement justifié de Fatih Akin à vouloir défendre une cause qui le touche intimement, lui a fait perdre la distance nécessaire pour appréhender de manière plus efficace sa participation à la dénonciation de cette injustice. L’indignation est une chose, l’analyse et l’action en est une autre. C’est le regret qui ressort à l’issue de ce film qui laisse un goût amer d’inachevé, l'impression que le cinéaste est passé à côté de son sujet.
La bande annonce:
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