LE PASSÉ d’Asghar Farhadi
PASSÉ (PAS) SIMPLE ET IMPARFAIT
par Bertrand Bichaud
1/5 MOYEN MOYEN
Ahmad débarque de Téhéran à Paris pour retrouver, après quatre années d’absence sa femme Marie, qui souhaite officialiser leur séparation par un divorce. Lorsqu’il retrouve la maison dans laquelle ils ont vécu par le passé, les deux filles qu’il a élevé (dont il n’est pas le père) ont bien changé. Il va aussi devoir rencontrer le nouveau compagnon de Marie, un père d’un petit garçon dont la femme est dans le coma.
Asghar Farhadi s’est forgé une réputation méritée de metteur en scène exigeant, racontant avec tact et pertinence des drames, dans un Iran contemporain qui se bat pour sa liberté, sa modernité et l’émancipation des femmes. Parfois maladroits, les personnages des précédents film du cinéaste étaient toujours profondément humains et touchants. Ses films parlaient d’amour, d’amitié sur fond de drames aux allures de thrillers sociaux, à l’encontre des clichés attendus, avec une réalisation discrète mais construite avec minutie. Un regard d’une grande finesse psychologique sur les comportements humains lorsqu’ils sont mis à mal. Des films intenses aux sujets forts, aux résonances universelles. De la peine de mort ("Les enfants de Belle Ville") à la confrontation des classes sociales ("Une séparation") en passant par la condition de la femme ("À propos d’Elly"), ses montages étaient haletants, toujours magnifiés par des comédiens parfaitement dirigés. Oui, mais ça c’était avant…
Au risque d’être bien isolé et en désaccord avec la totalité des critiques (excepté le journal « Libération »), la déception à la découverte du film « Le passé » est à la hauteur de l’attente qu’il avait généré: Grande. La qualité de sa filmographie passée, et sa présence en sélection à Cannes accentuant la mauvaise surprise.
Ses « histoires Iraniennes » (sortes de contes à la forte portée symbolique) étaient l'un des points forts de son cinéma. L’univers qu’il décrivait, quel que soit l’axe développé, était romanesque et captivant. « Le passé » tout en s’européanisant s’est tristement normalisé, désincarné, ressemblant à ce que le cinéma d’auteur Français peut produire de plus décevant. Un film bavard, bruyant même, habité par des personnages semblant dénués de bienveillance et relativement inconscients à l'égard des autres tout autant qu'envers eux-même. Etre en empathie à leur contact devient un exercice inatteignable.
La dramaturgie de l’histoire est poussée à l’excès, alourdie par une accumulation de rebondissements (prévisibles et) de plus en plus improbables. Cette superposition de noirceur fait basculer le film, le rendant au mieux hermétique, au pire ridicule. L’absence de point de vue dans la mise en scène, associé à un jeu (collectif) manquant foncièrement de nuances plombent l’ensemble du film. À l’exception étonnamment des enfants, les seuls à tirer leur épingle du « jeu ». Bérénice Bejo affirmait être très étonnée sur la scène de Cannes en recevant son prix d’interprétation, voici au moins un point sur lequel nous serons en accord...
Asghar Farhadi avec « Le passé » signe un film qui souffre d’un manque flagrant de simplicité et d’humanité, le résultat en est tristement imparfait. Voici un "passé" dont on se serait bien passé.
La bande annonce:
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 156 autres membres