KEEP SMILING de Rusudan Chkonia
CONCOURS DE CIRCONSTANCE
par Bertrand Bichaud
2/5 ON AIME BIEN
À Tbilissi, la télévision Géorgienne organise une émission de télé réalité, un concours qui élira la « Meilleure Mère Géorgienne de l’année » (nous sommes en 2010). A gagner : Un appartement de quatre pièces et 25 000$ en cash… Les dix candidates sélectionnées doivent s’affronter dans le cadre de différentes épreuves (cuisine, talent artistique, choix du public…). Jusqu’où seront-elles prêtes à aller pour remporter la première place ?
« Keep smiling » est le premier film de Rusudan Chkonia, qui se souvient s’être inspirée d’une histoire réelle comme point de départ de son scénario : « J’ai rencontré une femme extraordinaire dans un camp de réfugié, mère de 7 enfants. Elle avait participé à un concours de beauté pour tenter de gagner une somme d’argent assez conséquente dont sa famille avait terriblement besoin. Son récit avait tout d’une tragi-comédie et m’a fait immédiatement penser au cinéma."
Pour des raisons d’économie et de praticité, le film a été tourné en 45 nuits, principalement dans le théâtre où se déroule les répétitions du show du concours. La comédienne Olga Babluani raconte: "La mentalité de la société Géorgienne est assez rigide quant aux relations entre les hommes et les femmes. Les maris de certaines comédiennes étaient réticents au fait que leur femme travaille de nuit, en maillot de bain, et qu’elles soient rémunérées pour cela ! Les forces de police ont même dû intervenir pour évacuer un mari en colère !"
« Keep smiling » porte bien son nom, tant il est difficile de garder le sourire face aux conditions des vies misérables des candidates et aux humiliations (inhérentes à ce type de programmes télé) qu’elles ont à subir. L’affiche du film revendique un « ‘’The full monty’’ en talons aiguilles et bikinis ». Et pourtant la réussite du film de Peter Cattaneo tenait dans le parfait équilibre entre drame social et comédie loufoque. Dans « Keep smiling » rien ne fait sourire. La lourdeur générale des situations annihile les tentatives d’humour.
Ici, il n’est question que de pauvreté (l’une des candidates se fait expulser de son logement), de corruption (une autre est mariée avec le sponsor du concours et n’est même pas maman…), d’abus sexuels (une troisième est contrainte d’être « gentille » pour rester dans le jeu). Tous les maux d’une société en crise et en perdition sont présents. Et rien visiblement n’est au programme pour la sauver. Si ce n’est le sursaut (temporaire) de certaines de ces femmes. Mais l’appât du gain reste plus fort que tout nous dit Rusudan Chkonia.
Le film s’enferme quelque peu dans cette accusation unilatérale et sans espoir. À vouloir condamner à tout prix (et sans nuances), la réalisatrice sacrifie un réalisme qui aurait ouvert la voie à l’émotion. « Keep smiling » est pétri de bonnes intentions, mais laisse un goût d’inachevé.
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