JULIETTE de Pierre Godeau
LA CLÉ DES SONGES?
par Bertrand Bichaud
1/5 MOYEN MOYEN
Juliette est une jeune fille (post-adolescente) de 25 ans. Elle passe ses journées à les regarder filer. Et la nuit ? Elle « fait du social » selon son expression. Des mots qui dans son langage veulent dire : Sortir, voir du monde pour faire la fête. Elle habite un bel appartement Parisien avec vue sur la Tour Montparnasse, le loyer étant payé par son père. Le peu d’autorité parentale auquel elle doit parfois se confronter vient de sa grande sœur (Elodie Bouchez) qui s’inquiète pour elle, une sœur qui tente de pallier le manque d’une mère absente depuis bien longtemps.
Premier film de Pierre Godeau, "Juliette" est interprétée par Astrid Berges-Frisbey qui est de tous les plans, de chaque instant. Le spectateur est invité (contraint ?) à la suivre, à vivre avec elle. Et avec ses doutes, ses envies, son manque d’envie, ses désirs d’oubli, son refus de s’engager, d’avoir à choisir aussi, de peur de faire le mauvais choix. Malgré cette proximité incessante, elle reste mystérieuse et distante. Pas méchante, même pas énervante, juste décevante. Par incompréhension de son personnage et de ce qui l’anime, on ne parvient pas à se sentir impliquer à ses côtés. Juliette est paumée et arrive à nous perdre avec elle. Et cette absence de repaires ne favorise pas l’empathie. On se détache rapidement d’elle comme elle l’est de la vie en général, et en particulier de la sienne.
Juliette dort beaucoup. Comme pour limiter le nombre d’heures de réalité à vivre. Est-ce dans ses songes ou ses rêveries éveillées qu’elle pense pouvoir trouver les clés, le sens auquel elle semble par moments aspirer ? Son monde intérieur, symbolisé par une petite fille qu’elle fut (qu’elle aurait voulu être?) n’apporte pas grand-chose. Ces apparitions sont assez pesantes et inutiles en définitive. Une sorte de tentative avortée de dimension poétique, quelque peu didactique.
Le choix de titres musicaux est lui irréprochable, presque un peu trop. Ses excès démonstratifs d’esthétisme déplace le propos, l’enjolivant la où il aurait mérité plus d'austérité et de réalisme. « Juliette » est l’histoire d’une (ex) petite fille, gâtée, d’un milieu aisé de Paris, refusant de prendre en compte l’idée même d’un futur avec les responsabilités que cela donnerait à ses actes présents. Vivant chaque heure comme une succession de réalisations pas plus épanouissantes que ça, de pulsions éphémères venant et partant au gré du hasard et de ses pérégrinations.
Un éditeur, après la lecture de son premier roman, explique à Juliette: « C’est bien, il y a plein d'idées géniales. Mais il y a aussi beaucoup de travail encore à faire, des choses à changer. C’est difficile un premier livre, ça ne se fait pas comme ça ». Voilà bien ce que l’on a envie de dire au réalisateur à la sortie du film. De nombreuses scènes donnent envie de le suivre, en souhaitant que ses futures réalisations gagneront en simplicité, en sobriété et en authenticité.
« Juliette » est un film assez bavard, se regardant par moments se filmer, n’arrivant à se détacher de l’obsession qu’il porte à son héroïne. On voudrait pourtant qu'il sache trouver la juste distance, avec ne serait-ce qu’une (salvatrice) séquence qui aurait permis de découvrir comment ses proches en son absence vivent ce qu'elle est. Ce premier film ressemble à un coup d’essai, plein de bonnes intentions, mais aussi et surtout de promesses.
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