JOURS DE PECHE EN PATAGONIE de Carlos Sorin
VAGUES A L’AME
par Bertrand Bichaud
3/5 ON AIME BEAUCOUP
Marco pose sur sa vie et sur ceux qu’il croise un regard d’enfant attendrissant et coquin à la fois. Avec un air de celui qui aurait à se faire pardonner une bêtise. Mais Marco a 52 ans, et la rédemption qu’il recherche concerne des faits visiblement bien plus graves.
Le film raconte quelques jours, comme hors du temps. Une sorte de no man’s land que son destin lui aurait confié pour lui permettre d’expier ses péchés. De cette parenthèse, il va en faire ce qu’il pense être juste, se confronter à la nature et à un univers qu’il ne connaît, qu’il ne comprend et qu’il ne maîtrise d’aucune manière : La mer. La pêche au requin. Mais tout cela n’est qu’un leurre pour mettre un voile sur sa réelle volonté. Celle de renouer avec un passé le replongeant dans les blessures dont il fut le bourreau. Mais ses démons qui l’ont autrefois transformé sont aujourd'hui apprivoisés et amadoués.
Voici un film d’une grande finesse, mais aussi foncièrement chaleureux. Une histoire ou les non-dits atteignent parfois leur paroxysme donnant naissance au plaisir de la frustration. « Les regards, les gestes sont infiniment plus importants pour moi que les paroles. Le regard est une invitation à pénétrer dans l’âme du personnage. De plus il est ambigu et laisse au spectateur une marge de participation » explique le cinéaste.
Le paysage, désertique, immobile, secoué par des vents incertains, sont à l’image de la destinée du protagoniste qui ayant enfin découvert la sérénité, reste poursuivi par les affres d’un passé qui semble ne pas en avoir terminé avec lui. Le film est aussi un voyage dans un monde de personnages hauts en couleur, et toujours bienveillants. Des rencontres simples mais vraies, éphémères mais structurantes.
La réalisation est d’une intelligente sobriété. « Je n’ai pas emporté de Steadycam, ni de rails de travelling, je n’ai pas bougé la caméra au-delà de ce que me permettait la tête du trépied (...) généralement, je rejette viscéralement tout ce que l’on considère comme "cinématographique", c’est-à-dire, les ralentis de prise de vue, les objectifs de longue focale, la musique et le montage spectaculaires. Je préfère un cinéma basique ».
Le casting est d’une originalité qui n’a d’égal que sa pertinence. Il est d’autant plus remarquable de découvrir que seuls Alejandro Awada et Victoria Almeida sont des comédiens professionnels. Tous les autres se retrouvaient pour la première fois devant une caméra et en totale improvisation. « C’est comme si chacun de ces personnages avait répété toute sa vie pour ce film (...) Je les connaissais tous avant d’écrire le scénario proprement dit. Leurs actions dans le scénario leur sont absolument familières. En ce qui concerne les dialogues, ils leur appartiennent entièrement. Je ne leur donne jamais de texte à apprendre, même pas une ligne ».
« Jour de pêche en Patagonie » est un film émouvant. À l’image de son personnage, attachant et plus complexe qu’il n’y paraît. Une histoire dont on sait qu’elle restera ancrée en nous, comme le souvenir d’un moment de vérité d’une bouleversante sincérité.
La bande annonce:
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