BERBERIAN SOUND STUDIO de Peter Strickland
LE BRUIT ET L’HORREUR
par Bertrand Bichaud
1/5 MOYEN MOYEN
En 2009, le cinéaste Roumain s’était fait remarqué avec un magnifique premier film « Katalin Varga ». Lent et somptueux, dérangeant et singulier, à la mise en scène d’une étonnante maîtrise et inventivité pour une toute première réalisation.
Dire que « Berberian sound studio » est aux antipodes de « Katalin Varga » est un pur euphémisme. Qu’il s’agisse de l’atmosphère du film, du choix de mise en scène, du sujet, de la construction scénaristique, rien ne peut laisser deviner un quelconque lien entre ces deux longs-métrages. Ce qui pourrait apparaître comme une bonne nouvelle – un metteur en scène réussissant à ré-inventer son cinéma à chaque film- a ici pour conséquence une énorme déception.
« Berberian sound studio » raconte l’histoire, dans les années 70, de Gilderoy, un ingénieur son Anglais habitué à travailler sur des documentaires animaliers, qui arrive à Rome pour participer à un film de série B, de type horreur trash-mystique, avec dans le désordre des religieuses sacrifiées, des sorcières féroces, des morts-vivants affamés, et forcément des tortures en tout genre.
Le film laisse un bien mauvais goût en bouche, accompagné d’une lancinante sensation de déjà-vu. Une question se pose alors d’elle-même : Est-ce un simple (et inutile) hommage au genre Italiens du Giallo (films d’horreur sanglants aux codes précis) ? Les plus indulgents répondront « oui, oui ». Les autres seront gênés par de multiples références trop marquées. Dario Argento pour la partie « ambiance sanguinolente on ne peut plus 70’s ». David Lynch pour les incessantes apparitions d’un « Silencio » rouge… sang et la complexe construction du scénario. Brian de Palma pour les scènes d’écoute et de découpages de bandes sonores effectués obsessionnellement (« Blow out »).
L’une des (mais trop rares) bonnes idées de la réalisation est de ne jamais montrer le film sur lequel le studio travail, mais uniquement les ingénieurs du son et bruiteurs faisant appel à toutes leur expérience et imagination pour reproduire d’horribles ambiances sonores.
Mais rapidement, le film s’oublie peu à peu, se confondant finalement avec celui qu’il traite. Il se met alors à tourner en rond, comme un bobino à la longueur de bande trop courte, ou comme une K7 audio bloquée en fonction auto-repeat. Le film devient cannibale, d’autodétruisant. À bout de souffle, il se laisse tomber dans des facilités d’effets sans sens ni intérêt. Tout cela pour se terminer abruptement sans fin, ce qui forcément laisse sur sa faim… Cela dit, vu les horreurs entendues pendant une heure et demi, notre appétit n'était plus trop au beau fixe.
« Berberian sound studio » est un film sur les murmures du son, faisant vainement beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Seuls les nostalgiques de l’époque des Révox, des vumètres à aiguilles, des micros à lampes s’y retrouveront. Quoi qu'il en soit, il en faudrait plus pour oublier « Katalin Varga », et donc attendre avec impatience le prochain film de Peter Strickland.
La bande annonce:
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